Jean-François Sirinelli, "Histoire des droites en France", 3 Tomes
Gallimard | 2015 | ASIN: B00TKL9IEO | French | EPUB | 2646 pages | 4 MB
Gallimard | 2015 | ASIN: B00TKL9IEO | French | EPUB | 2646 pages | 4 MB
Politique :
L'opposition entre droites et gauches est le grand clivage français. jusqu'aujourd'hui, sa disparition, régulièrement annoncée, n'a cessé d'être différée : que soit proclamée une ère du consensus et toujours on observera concurremment une montée aux extrêmes de la vie politique et civique. Les droites parlementaires en offrent un nouvel exemple qui, après avoir prôné la fin des divisions idéologiques et l'union nationale autour d'un libéralisme tempéré, sont désormais flanquées d'une extrême droite rejetant la tradition républicaine. Le clivage droites-gauches, fondé en août 1789 par une Révolution qui autonomisa la société de l'univers politique, ne structure pas seulement la sphère du pouvoir, il traverse et souvent organise la Cité dans ce que celle-ci peut avoir apparemment de moins politique et de plus économique, social, culturel. C'est de cet excès même qu'il tire sa vigueur. Cette Histoire restitue l'identité des droites françaises - contre-révolutionnaire, légitimiste, orléaniste, bonapartiste, libérale, révolutionnaire, fasciste, extrême et gaulliste - dans sa triple dimension de la politique (tome 1 : les mouvements et les partis, mais aussi les horizons idéologiques des théoriciens et des militants qui définissent les identités des grandes familles de la droite en termes de conception du monde, d'idées communes et de discours), des cultures (tome 2 : les formes de rassemblement, les moyens de diffusion de l'idéologie hors de la sphère politique, les visions de l'histoire partagées par les hommes de droite), des sensibilités (tome 3 l'organisation de l'espace social et ce qui s'y dévoile de l'héritage commun au peuple de droite).
Cultures :
L'identité des droites françaises ne se définit pas uniquement par leurs modalités historiques de conquête et d'exercice du pouvoir ; elle se décline tout autant sur les cultures, c'est-à-dire, hors du domaine politique, dans l'espace social, sur les instruments et les ancrages des doctrines, des idées et des valeurs partagées. L'attachement à cette identité commune se traduit non plus obligatoirement par l'engagement militant ou l'adhésion à un parti, mais par l'achat régulier d'un quotidien, la lecture suivie d'une revue ou bien encore une préférence marquée pour une écriture particulière de l'histoire. A l'instar de la politique, les cultures ont leurs propres structures, réseaux, vecteurs, acteurs. Leur univers est tissé par les liens que nouent notabilités politiques et élites des salons, noms de la presse et noms de l'édition, personnel politique, hommes de plume - romanciers, essayistes - et hommes de mémoire - historiens professionnels ou érudits. Cette sociabilité, porteuse et nourricière des cultures, fait circuler idées et doctrines entre les salons, les groupes parlementaires ou les ligues-et, plus tardivement, les partis -, les salles de rédaction, les grandes collections et les amphithéâtres de l'Université. Elles cristallisent particulièrement dans les batailles de mémoire qui tour à tour mobilisent mémorialistes, romanciers et historiens, doctrinaires et idéologues, militants - autour d'un parti et ses publications - et citoyens, enfin, au cours de rassemblements et de cérémonies commémoratives visant à inscrire symboliquement des systèmes de croyances et de valeurs dans l'espace public. L'identité des droites se nourrit de ce recoupement des différentes sphères du discours, de l'écrit et de la mémoire.
Sensibilités :
A travers les mille manières qu'ont les individus d'inventer un quotidien viable dans la Cité, à travers la gestion des rapports sociaux les plus immédiats et les plus simples comme à travers l'élaboration des produits de la pensée et du goût les plus accomplis se révèlent les sensibilités, ces grandes manières partagées de vivre, de concevoir, de sentir, de s'exprimer…. Formes héritées des générations devancières que chacun fait siennes grâce à son milieu, à son éducation, à sa formation, les sensibilités sont stratifiées par les dépôts d'une mémoire sociale, perdue par presque tous, et qui fabrique ces croyances, ces valeurs, ces certitudes instinctives en puisant aux horizons idéologiques contemporains les réponses aux crises et aux défis de chaque époque. Par-là, les sensibilités sont la source d'une vigueur pérenne de l'axe droites-gauches en des périodes où celui-ci semble s'effacer du champ politique. Les sensibilités de droite structurent essentiellement quatre domaines la présence au monde (ou les modalités d'inscription de l'individu dans l'espace social) ; l'organisation de la Cité (ou la détermination des valeurs qui sont au principe de l'univers de l'individu) ; la vie dans la Cité (ou le rapport de soi aux autres) ; le moule de l'individu (ou ce qui ancrerait le citoyen à droite). De l'étude des sensibilités, telles que reflétées également par la littérature comme par l'image de l'adversaire dans la mythologie des gauches, se dégage pour finir la réponse à la question : qu'est-ce qu'être de droite ?