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Henri Pirenne, "L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge"

Posted By: TimMa
Henri Pirenne, "L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge"

Henri Pirenne, "L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge"
2018 | ISBN: 198647450X | Français | EPUB | 142 pages | 0.2 MB

Ce livre présente l'histoire des villes et de leur constitution au moyen-âge.

Ce qui constitue la ville du moyen âge, au sens juridique du mot, ce n’est pas un degré plus ou moins complet d’autonomie, c’est l’acquisition d’un droit municipal distinct. Dès le VIIIe siècle, on voit les évêques obtenir des privilèges d’immunité pour les territoires de leurs églises. En vertu de ces privilèges, la familia non libre de ces églises se trouve placée sous la juridiction domaniale de l’évêque et soustraite à l’action des pouvoirs publics. Mais la familia ne comprend pas toute la population des terres ecclésiastiques : à côté d’elle, continue à subsister un groupe d’hommes libres, indépendants du seigneur et relevant seulement de la juridiction du fonctionnaire public, c’est-à-dire du comte. Cette situation dure jusqu’au Xe siècle, époque à laquelle les évêques reçoivent des empereurs la concession des droits régaliens dans leurs cités. Dès lors, ils possèdent à la fois la juridiction domaniale sur leur familia et la juridiction publique sur ce qui s’est maintenu dans les villes de population libre. Cette dernière, en effet, n’a pas disparu. Le judex épiscopal s’est simplement substitué au comte, et la juridiction qu’il exerce sur les libres de la cité reste une juridiction publique, dont il est investi par délégation du bannum impérial. À partir des privilèges ottoniens, deux groupes d’hommes de condition juridique très différente, des libres et des non-libres, se trouvent donc réunis dans la ville sous un même seigneur : l’évêque. Cette subordination commune au même seigneur établit un lien entre eux : à la longue, elle fait disparaître les contrastes et fond en une teinte intermédiaire les couleurs fortement tranchées au début. Il faut remarquer, en effet, que les évêques impériaux du Xe et du XIe siècle n’ont pas exercé sur leurs sujets un gouvernement tyrannique. Ils se sont préoccupés constamment d’améliorer la condition de leur familia, qui s’est rapprochée de plus en plus de la condition des habitants libres. Pendant cette période, loin que le droit domanial se développe au détriment du droit public, c’est celui-ci, au contraire, qui peu à peu s’étend à toute la population. Le titre de burgenses, réservé à l’origine aux seuls libres, arrive à s’appliquer aussi aux descendants des anciens non-libres. Mais, lors de la rupture entre l’Église et l’Empire, la situation change complètement. Le haut clergé, cherchant maintenant à se rendre de plus en plus indépendant de l’État, s’efforce d’établir contre lui son autorité exclusive dans les villes. Les habitants libres courent dès lors le risque d’être réduits en servage, de voir en quelque sorte coupées leurs communications avec le pouvoir central, auquel ils n’ont cessé jusque-là d’être rattachés par l’intermédiaire de la juridiction publique. Aussi les voit-on se soulever partout contre leur seigneur et seconder de toutes leurs forces l’empereur dans sa lutte contre les évêques. C’est à cette époque de guerre civile qu’apparaissent les premières institutions autonomes de la bourgeoisie. Les bourgeois proprement dits, c’est-à-dire les anciens libres, s’emparent du gouvernement des cités : le conseil, le Rath, est créé. Bien que ce Rath ait à l’origine le caractère d’un gouvernement provisoire établi révolutionnairement, il se rattache pourtant à une institution ancienne, au consilium épiscopal, dont on constate l’existence au XIe siècle. Ce conseil épiscopal, créé pour aider l’évêque dans l’administration de la cité, comptait, à côté des ministeriales du seigneur, un certain nombre de bourgeois. À l’époque de la révolution urbaine, c’est lui qui est devenu l’autorité supérieure dans la ville, administrée désormais comme une république. À partir de ce moment, une ère nouvelle commence…

“ Parmi les questions que soulève en si grand nombre l’histoire constitutionnelle du moyen âge, il en est peu qui soient étudiées aujourd’hui avec autant de soin que celle de l’origine des villes. Ce problème n’attire pas seulement par sa difficulté : les raisons de l’importance qu’on lui attribue sont plus sérieuses. À mesure, en effet, que l’on connaît mieux le moyen âge, on voit de plus en plus clairement combien a été puissante l’action exercée à cette époque par les bourgeoisies sur l’organisation sociale. C’est trop peu de dire que les villes ont produit le tiers État. Elles ont fait beaucoup plus. Leur influence n’a pas été purement politique : elle apparaît comme civilisatrice au plus haut point. Grâce à elle, non seulement l’État, mais encore les idées et les mœurs, l’art et la littérature, le commerce et l’industrie, se sont transformés. Le jour où naissent les villes, commence la décadence irrémédiable du moyen âge féodal et mystique. Des tendances nouvelles, plus humaines, plus terrestres, plus modernes, se manifestent dans l’Europe occidentale. Aux croisades, succède le commerce paisible des chrétiens et des musulmans dans les ports de la Méditerranée ; aux chansons de gestes, les fableaux ; au latin, les langues vulgaires. Et l’on a pu voir avec raison, dans l’esprit nouveau qui anime les bourgeoisies, une des causes les plus actives du succès de la Renaissance…”

Henri Pirenne est un historien médiéviste belge. Il est également l’une des grandes figures de la résistance non-violente à l’occupation allemande de la Belgique durant la Première Guerre mondiale.
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