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Malek Chebel, "Dictionnaire amoureux de l'Algérie" (repost

Posted By: TimMa
Malek Chebel, "Dictionnaire amoureux de l'Algérie" (repost

Malek Chebel, "Dictionnaire amoureux de l'Algérie"
Plon | 2012 | ISBN: 2259212360 | Français | EPUB | 800 pages | 2.3 MB

Des ruines romaines de Timgad aux noces du soleil et de la mer à Tipaza, du désert algérien cher à Eugène Fromentin à la conversion d'Isabelle Eberhardt, des tableaux de Delacroix aux femmes de Biskra d'Etienne Dinet, de la prise d'Alger en 1830 à l'indépendance du pays en juillet 1962, de l'émir Abd el-Kader à Bouteflika, Malek Chebel, en observateur averti du pays où il est né, où il a grandi, n'élude rien et aborde beaucoup de non-dits.
Mais, ce dictionnaire est aussi un ouvrage ludique. Il nous parle d'une Algérie tour à tour romaine, musulmane, ottomane, espagnole, arabe et a fortiori algérienne, occupée mille fois et sans cesse réinventée. Au gré des entrées, nous découvrons avec bonheur son charme pittoresque, ses fragrances, ses espoirs et ses désillusions.
J'aime les dictionnaires. Avec ce Dictionnaire amoureux de l'Algérie, j'ai voulu écrire un livre qui me ressemble, qui soit libre, iconoclaste, anticonformiste, car tels sont l'amour, la passion, le désir - essentiels à la vie mais toujours prêts à évoluer, voire à disparaître.
L'Algérie… une nation en mouvement. Le pays qui m'a vu naître - pays réel ou rêvé dont on ne sait s'il s'accorde au masculin ou au féminin -, point de jonction entre le nord et le sud de la Méditerranée, se trouve au coeur de mille histoires tourmentées. Deux méridiens, deux boussoles, deux calendriers… Dès que le voyageur débarque à Alger, et pour peu que le sirocco le prenne à la gorge pour lui reprocher d'avoir tant tardé à revenir, des images contrastées de cette terre méditerranéenne dont le vaste désert est loin d'être vide s'offrent à lui. Ce dictionnaire ressemble aussi à tous les Algériens, quels qu'ils soient. À ma naissance, en 1953, dans un département français dont le système électoral était tout à fait inégalitaire, avec ses deux collèges, l'un musulman, l'autre européen (une voix européenne valait alors neuf voix de musulmans), j'étais un apatride, un indigène non citoyen, candidat à une reconnaissance - des droits, une dignité - qui tardait à venir. Je regarde parfois les photos de cette époque et je me retrouve devant tel ou tel enfant en guenilles : je puis être n'importe lequel d'entre eux. Je parlais deux langues : à l'école, le français ; à la maison, cette langue vernaculaire qui me servait d'idiome familial et qui était si estropiée qu'on avait honte de l'employer dans la ville voisine - langue pauvre, misérable, sans symbolisme ni style, dépourvue de poésie et de transcendance. Le français, lui, scolaire, figé, désincarné, évoquait un monde que nous ignorions. Dans la cour de l'école, il était recommandé d'employer la langue de Molière, même si nous n'en reproduisions qu'un sabir informe. La société algérienne de l'époque se caractérisait par l'absence de «passerelles» entre les différentes communautés : chacune d'elles avait son parcours tracé, ses écoles, ses lieux de vie, ses fréquentations. Seuls les bachaghas, les courtisans, les serviteurs franchissaient le fossé invisible mais bien réel qui les séparait. Pourtant, nous nous efforcions de nous conformer à l'idéal qui avait été fixé pour nous. Même s'il ne fut pas le plus grand poète de son temps, Rouget de Liste fut, après tout, l'auteur de cette Marseillaise que nous entonnions sans en comprendre les paroles. Il s'agissait de poésie militaire mais, à mes yeux, de toute façon, tout ce qui venait de France ressortissait à la littérature. Nous comprenions cependant que nos maîtres n'étaient pas dupes quand ils nous parlaient de «nos ancêtres les Gaulois» : ces Gaulois-là avaient les cheveux bien noirs et la peau bien mate… Les Algériens étaient donc des apatrides bien qu'ils n'eussent jamais quitté leur lopin de terre ou leur misérable chaumière. Ils n'étaient pas tout à fait français et pas encore algériens. Arabes, Berbères, Chaouïs, Touaregs, Bédouins ? Un peu de tout cela. L'Algérie était ce que le colonialisme en avait fait : un territoire bien circonscrit, avec ses frontières, ses villes, ses groupes sociaux. En 1962, on comptait trois quarts de paysans et un quart de citadins. Un bon début…