René Char, "Poèmes"
Gallimard | 2018 | ISBN: 2072798566 | French | MP3@320 kbps | 0 hrs 36 mins | 85.1 MB
Gallimard | 2018 | ISBN: 2072798566 | French | MP3@320 kbps | 0 hrs 36 mins | 85.1 MB
Cette anthologie des poèmes de René Char est un document historique exceptionnel. Les poèmes choisis et lus par l'auteur en 1987, un an avant sa mort, sont tirés de ses principaux recueils: «Fureur et Mystère», journal de guerre du résistant, «Les Matinaux» temps du retour au pays natal, «La Parole en archipel», «Nu Perdu» ou «Aromates chasseurs», espaces de rayonnement de l'amour et de l'amitié en poésie. Avec la présence de René Char, l'énergie de la révolte, l'éveil des consciences et des corps à la vie s'imposent dans ce voyage au cœur de son œuvre poétique.
René Char par Jacques Dupin
La vérité rend nécessaire l'effacement du poète ou son écart. Les traits contradictoires de son visage de vivant, l'élan de sa générosité, sa vigilance anxieuse, ne se trouvent qu'en filigrane dans la trame de l'écriture déployée. Toutes les tentatives pour le presser de questions ne conduiraient qu'à l'odieux simulacre et à la vaine paraphrase du poème dont il est né, et dont il est exclu, dont il est étranger par excellence, appelé en avant de nous par la très réelle chimère à laquelle il doit, une nouvelle fois, donner son sang et accorder son souffle, afin qu'elle devienne visible demain dans sa montée du jour.
La visibilité du poème est donc notre propos, dans sa diversité et sa richesse, ses méandres et son éclat. Car la poésie a besoin pour être et nous parvenir d'emprunter une apparence matérielle et sensible, d'accepter un support et des relais. Elle n'est pas enclose dans les pages du livre, ni dans le feuillet manuscrit, ni dans la voix du récitant. Elle ne dépend pas de la réussite d'une typographie ou de la justesse d'une illustration. Pourtant elle n'existerait pas sans mode d'extériorisation qui lui ouvre le dehors, favorise sa respiration et sa lisibilité et surtout l'aide à se détacher de la singularité des limites et même du rayonnement de celui par lequel elle nous est transmise. Par cette rupture liminaire qui lui donne existence et disponibilité, elle s'offre à tous, et d'abord à la soif du peintre avide d'éprouver son langage sans paroles en le confrontant à la parole nominative du poète; mais elle répond aussi à la ferveur de l'éditeur, du metteur en pages ou du musicien. Si le poème se prête non sans quelque ironie qui le retranche, aux opérations successives où il n'est pas un participant inactif, il ne s'arrête pas, il est vrai, aux résultats des entreprises qui renouvellent son accès et enrichissent la matérialité de ses traces. Un accroissement de la lumière, autour de lui, le dissimule mieux encore, et sous d'autres vêtements d'emprunt, il voyage. Pourtant il n'est pas vain d'accidenter son parcours et de retarder la rapidité de sa course, et c'est le propre de la lecture.Chaque intervention propose une lecture, et met ainsi en lumière la multiplicité des versions d'un texte et la féconde pluralité du poème parvenu à l'universalité.
Le poème de René Char, c'est ce corps irradiant en mouvement ascensionnel qui répond à la haute interrogation de la poésie comme aux moindres sollicitations du réel, mais par un questionnement insistant qui dénude son objet, l'illumine sans le désarmer, et ouvre dans les parois de la nuit qu'il détient, les brèches par où s'engouffre et se fortifie la lumière. Chaque poème ouvre l'espace où la masse de sensations et de pressentiments qui l'ont façonné se raffine et l'oriente. Comme si dans ce corps circulait une énergie contradictoire, à la fois rosée brûlante et sève obscure qui emporte et garde inaltérées la saveur initiale et la fraîcheur de l'ébranlement. Cette parole nous grandit sans nous attacher, nous rend libres en accroissant nos liens et notre échange avec la création tout entière. Aucune effusion panthéiste pourtant, mais l'intégration de la nature à la substance poétique. Par le pouvoir renouvelé de l'étonnement, que la métaphore aiguise et maintient, l'alouette et le rocher, la rivière et l'olivier, le rai de soleil et la vague s'introduisent et agissent comme des êtres vivants dans le tissu verbal. Le poète croit à la réalité du langage, à son pouvoir de saisissement et de transformation de la réalité. Il sait que les mots qui peuvent représenter le feu et signifier la brûlure sont capables d'allumer réellement l'incendie, qu'il n'est pas nécessaire de décrire une fleur pour donner à respirer son éclat et sa fragilité, que le langage peut stigmatiser le tyran, mais aussi l'abattre, que le mort évoquée à la légère peut surgir et frapper au détour d'une phrase. Explosions souterraines et glissements de terrains ont été mis à jour des gisements actifs et révélé des ressources infinies. René Char est peut-être le seul, à partir de l'illumination rimbaldienne, à avoir approfondi et mis en œuvre, poussé à ses limites extrêmes, les immenses possibilités du langage, verticalement exploré. L'image surréaliste, dans sa recherche de l'insolite par le rapprochement de réalités aussi éloignées que possible, est d'une indigence simpliste au regard de la richesse et de la complexité des rencontres que Char fait surgir, mystérieusement, au cours d'incursions téméraires et de fantastiques décantations. Les signes et les choses, délivrés de la rhétorique et des associations convenues, respirent et s'ébrouent, luttent et s'étreignent, mus par des forces immanentes, se redressent et s'accolent en de poignantes relations dont le poète, seul, est témoin, afin de les rendre assimilables à tous, puisque de cette prodigieuse altercation, tout, le transparent et l'abrupt, existait en chacun.
La vérité rend nécessaire l'effacement du poète ou son écart. Les traits contradictoires de son visage de vivant, l'élan de sa générosité, sa vigilance anxieuse, ne se trouvent qu'en filigrane dans la trame de l'écriture déployée. Toutes les tentatives pour le presser de questions ne conduiraient qu'à l'odieux simulacre et à la vaine paraphrase du poème dont il est né, et dont il est exclu, dont il est étranger par excellence, appelé en avant de nous par la très réelle chimère à laquelle il doit, une nouvelle fois, donner son sang et accorder son souffle, afin qu'elle devienne visible demain dans sa montée du jour.
La visibilité du poème est donc notre propos, dans sa diversité et sa richesse, ses méandres et son éclat. Car la poésie a besoin pour être et nous parvenir d'emprunter une apparence matérielle et sensible, d'accepter un support et des relais. Elle n'est pas enclose dans les pages du livre, ni dans le feuillet manuscrit, ni dans la voix du récitant. Elle ne dépend pas de la réussite d'une typographie ou de la justesse d'une illustration. Pourtant elle n'existerait pas sans mode d'extériorisation qui lui ouvre le dehors, favorise sa respiration et sa lisibilité et surtout l'aide à se détacher de la singularité des limites et même du rayonnement de celui par lequel elle nous est transmise. Par cette rupture liminaire qui lui donne existence et disponibilité, elle s'offre à tous, et d'abord à la soif du peintre avide d'éprouver son langage sans paroles en le confrontant à la parole nominative du poète; mais elle répond aussi à la ferveur de l'éditeur, du metteur en pages ou du musicien. Si le poème se prête non sans quelque ironie qui le retranche, aux opérations successives où il n'est pas un participant inactif, il ne s'arrête pas, il est vrai, aux résultats des entreprises qui renouvellent son accès et enrichissent la matérialité de ses traces. Un accroissement de la lumière, autour de lui, le dissimule mieux encore, et sous d'autres vêtements d'emprunt, il voyage. Pourtant il n'est pas vain d'accidenter son parcours et de retarder la rapidité de sa course, et c'est le propre de la lecture.Chaque intervention propose une lecture, et met ainsi en lumière la multiplicité des versions d'un texte et la féconde pluralité du poème parvenu à l'universalité.
Le poème de René Char, c'est ce corps irradiant en mouvement ascensionnel qui répond à la haute interrogation de la poésie comme aux moindres sollicitations du réel, mais par un questionnement insistant qui dénude son objet, l'illumine sans le désarmer, et ouvre dans les parois de la nuit qu'il détient, les brèches par où s'engouffre et se fortifie la lumière. Chaque poème ouvre l'espace où la masse de sensations et de pressentiments qui l'ont façonné se raffine et l'oriente. Comme si dans ce corps circulait une énergie contradictoire, à la fois rosée brûlante et sève obscure qui emporte et garde inaltérées la saveur initiale et la fraîcheur de l'ébranlement. Cette parole nous grandit sans nous attacher, nous rend libres en accroissant nos liens et notre échange avec la création tout entière. Aucune effusion panthéiste pourtant, mais l'intégration de la nature à la substance poétique. Par le pouvoir renouvelé de l'étonnement, que la métaphore aiguise et maintient, l'alouette et le rocher, la rivière et l'olivier, le rai de soleil et la vague s'introduisent et agissent comme des êtres vivants dans le tissu verbal. Le poète croit à la réalité du langage, à son pouvoir de saisissement et de transformation de la réalité. Il sait que les mots qui peuvent représenter le feu et signifier la brûlure sont capables d'allumer réellement l'incendie, qu'il n'est pas nécessaire de décrire une fleur pour donner à respirer son éclat et sa fragilité, que le langage peut stigmatiser le tyran, mais aussi l'abattre, que le mort évoquée à la légère peut surgir et frapper au détour d'une phrase. Explosions souterraines et glissements de terrains ont été mis à jour des gisements actifs et révélé des ressources infinies. René Char est peut-être le seul, à partir de l'illumination rimbaldienne, à avoir approfondi et mis en œuvre, poussé à ses limites extrêmes, les immenses possibilités du langage, verticalement exploré. L'image surréaliste, dans sa recherche de l'insolite par le rapprochement de réalités aussi éloignées que possible, est d'une indigence simpliste au regard de la richesse et de la complexité des rencontres que Char fait surgir, mystérieusement, au cours d'incursions téméraires et de fantastiques décantations. Les signes et les choses, délivrés de la rhétorique et des associations convenues, respirent et s'ébrouent, luttent et s'étreignent, mus par des forces immanentes, se redressent et s'accolent en de poignantes relations dont le poète, seul, est témoin, afin de les rendre assimilables à tous, puisque de cette prodigieuse altercation, tout, le transparent et l'abrupt, existait en chacun.
René Char est né le 14 juin 1907 à L'Isle sur Sorgue dans le Vaucluse. Il commence à écrire à 15 ans et publie ses premiers poèmes à 21 ans. En 1929, il rencontre Aragon, Breton, Éluard et adhère un temps au mouvement surréaliste mais s'en détache dès 1934 pour recouvrer son indépendance qui sera sa marque absolue. De même que son œuvre et celle d'un insoumis, la vie de René Char est un engagement: en 1942, la Résistance à laquelle il participa activement avec l'intégrité et la puissance des textes de «Feuillets d'Hypnos» en 1946, son journal de guerre qu'il refusa de publier sous l'Occupation; en 1948, la publication de la pièce «Le soleil des eaux» inspirée par le danger de pollution, en 1965, une campagne ouverte contre l'implantation de fusées nucléaires sur le plateau d'Albion.
La poésie de René Char puise dans le réel et dans la terre, elle s'enracine dans la Provence natale et la parole des êtres vrais. Ce passeur d'une rare intensité est mort à Paris en 1988.
La poésie de René Char puise dans le réel et dans la terre, elle s'enracine dans la Provence natale et la parole des êtres vrais. Ce passeur d'une rare intensité est mort à Paris en 1988.