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    Bernadette Pécassou-Camebrac, "La dernière bagnarde"

    Posted By: TimMa
    Bernadette Pécassou-Camebrac, "La dernière bagnarde"

    Bernadette Pécassou-Camebrac, "La dernière bagnarde"
    Publisher: Flammarion | 2011 | ISBN: 2081221411 | French | EPUB | 312 pages | 0.3 Mb

    En mai 1888, Marie Bartête, à l'âge de vingt ans, embarque sur le Ville de Saint-Nazaire. Elle ne le sait pas encore, mais elle ne reverra plus jamais sa terre de France. On l'envoie au bagne, en Guyane. Bien sûr, elle a été arrêtée plusieurs fois pour de petits délits, mais elle a connu la prison pour cela. Pourquoi maintenant l'expédie-t-on à l'autre bout du monde ? Reléguée. La France ne veut plus d'elle. Sur le bateau, elle rencontre Louise, persuadée qu'on les emmène au paradis. Là-bas, on dit qu'il fait toujours beau et qu'elle se mariera. Mais l'illusion sera de courte durée. Le voyage de six semaines à fond de cale, les mauvais traitements et l'arrivée en terre inhospitalière achèvent de la convaincre que c'est bien l'enfer qui l'attend. Et que, malgré la bonne volonté de soeur Agnès et de Romain, jeune médecin de métropole, personne ne l'en sortira jamais.

    C'est le destin de cette prisonnière du bagne de Saint-Laurent-du-Maroni que fait revivre ici Bernadette Pécassou-Camebrac. Elle met en scène d'une écriture énergique et sensible le sort tragique de ces femmes abandonnées de tous, que l'histoire a tout simplement oubliées.
    - Qu'est ce que t'as à plier tes chiffons ! Tu te crois où ?
    Comme si elle n'avait rien entendu, Marie continua de ranger méticuleusement ses vêtements dans son sac de toile. Elle était parvenue à les récupérer un à un et, même dans un triste état, piétines, salis, ils étaient tout ce qu'elle emportait du temps de sa vie en France. En prendre soin, c'était continuer à vivre, faire comme si rien de grave ne s'était passé. Et ce n'étaient pas les remarques de cette Louise venue comme elle des bas quartiers de Bordeaux qui allaient l'émouvoir. Les reproches, elle connaissait par coeur, toute sa vie depuis son plus jeune âge elle en avait entendu. Elle ne releva pas et prit le dernier vêtement. Il ne ressemblait plus à rien, il était à moitié déchiré, et il avait perdu un bouton. Elle en eut un haut-le-coeur. C'était son préféré. Une petite chemise fleurie en voile de coton dans des tons bleus avec de jolies manches courtes et bouffantes qui venait d'une grande maison de Bordeaux dont l'enseigne prestigieuse se tenait sur le cours de l'Intendance. Elle en avait toujours pris soin. Il se fermait délicatement sur la poitrine à l'aide de petits boutons de nacre blanc, ronds comme des boutons de bottines. Marie n'aurait jamais pu se payer un vêtement pareil qui coûtait son salaire de plusieurs mois. Elle l'avait trouvé ou, plus exactement, subtilisé dans la poubelle d'une de ses patronnes qui l'y avait jeté avec rage un matin où, contrariée de ne plus pouvoir le fermer pour cause de prise de poids, elle avait piqué une grosse colère en disant que cette chemise était affreuse et avait décidé qu'elle n'en voulait plus. Toute la journée Marie avait surveillé la poubelle et le cuisinier n'avait pas compris son assiduité à vider elle-même tous les déchets. Le soir même, juste avant de quitter son travail, tremblant qu'on ne la découvre, Marie avait extirpé le petit chemisier de la grande poubelle, non sans un désagréable sentiment de culpabilité. Elle l'avait caché tout au fond de son cabas comme une voleuse cache son butin, et avait traversé Bordeaux à une vitesse inhabituelle, grimpé quatre à quatre jusqu'à sa chambre de bonne, et refermé la porte à double tour derrière elle. Ses jambes en tremblaient. Une fois seule, elle avait repris sa respiration puis, délicatement, elle avait sorti la chemise du cabas comme on sort un trésor, et l'avait posée sur son lit. Elle n'en revenait pas de voir ce vêtement si raffiné, qu'elle avait si souvent admiré sur Madame, ici, dans sa chambre de bonne. Elle l'avait regardé sous toutes les coutures pour bien vérifier qu'il n'avait pas été taché, puis, comme il était impeccable, elle l'avait enfilé avec une gravité qui lui était jusqu'alors inconnue. Marie n'avait jamais porté que de mauvaises toiles. Passer ce vêtement gracieux, c'était comme changer de peau.


    Il fallait toute la sensibilité de Bernadette Pécassou-­Camebrac pour éclairer avec une telle force cet épisode oublié de notre histoire : celui des bagnardes. D'une plume tour à tour incroyablement violente et infiniment délicate, l'auteur nous invite à une descente en enfer. À travers la figure d'un personnage bien réel, Marie Bartête, vingt ans en 1888, quand elle est envoyée au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, c'est toute l'horreur du sort réservé à de nombreuses femmes par la IIIe République qui est décrite. (Blaise de Chabalier - Le Figaro du 5 mai 2011)


    Bernadette Pécassou-Camebrac, "La dernière bagnarde"