(Fr2) Infrarouge - On nous écoute (2/2) : L'histoire secrète de la NSA (2015)

Cette agence a été longtemps la plus secrète de l’arsenal du renseignement américain. « No Such Agency », comme la surnommaient les journalistes américains pendant la Guerre froide. Sa raison d’être : éviter que le territoire américain puisse être pris pour cible, en surveillant les communications ennemies. Son inspiration : le traumatisme de Pearl Harbor, attaque dévastatrice pour la flotte des États-Unis qui entraîna leur entrée en guerre en décembre 1941.

Forte des succès éclatants de ses outils d’interception, notamment pendant la Guerre du Vietnam, la NSA étend progressivement ses opérations. Jusqu’à franchir une ligne rouge : le IVe amendement de la Constitution des États-Unis lui interdit de surveiller des ressortissants américains sans mandat préalable. Le scandale du Watergate ébranle la NSA en dévoilant ses écoutes d’opposants à l’engagement américain au Vietnam. Une loi est votée en 1978 pour empêcher la surveillance massive des citoyens. Elle porte un coup d’arrêt à la montée en puissance de l’agence, au moment même où s’amorce un saut technologique dans les télécommunications.

Au lendemain des attentats du 11 septembre, le chef de la NSA est convoqué à la Maison Blanche. Pour Dick Cheney, la NSA a failli à sa mission faute de disposer de pouvoirs et de moyens suffisants pour l’assurer. Incapables de détecter la présence des terroristes sur le territoire américain, c’est à la télévision que ses agents ont suivi les événements, comme le reste du monde avec eux. Cheney convainc Bush de renverser la donne. Le directeur de l’agence reçoit un chèque en blanc. Hayden a toute latitude pour faire entrer la NSA dans une ère nouvelle.

Vue depuis les coulisses, c’est une véritable révolution orchestrée par la Maison Blanche, avec le vice-président aux commandes. Dick Cheney et son homme-lige, l’avocat David Addington, imaginent une ordonnance secrète qui va conférer des pouvoirs inédits à la NSA. L’agence est toujours bridée par les suites du Watergate. Pour Cheney, la « guerre contre le terrorisme » impose de suspendre ces contraintes. Elles sont levées par la seule autorité du Président, sans en référer au Congrès.

A Fort Meade, siège de la NSA, Hayden recrute à tour de bras, et remet la technologie au goût du jour. Une gigantesque usine à écoutes se met en place, sans autre limite que la capacité de traitement des données interceptées. Au sein des équipes se dessine une fracture entre ceux qui savent et les autres. Parmi les anciens, c’est la stupeur, puis la colère. La NSA reprend à toute allure un chemin qui l’avait déjà conduit dans une impasse.

Dix ans avant Snowden, des vocations de « whistleblowers » (lanceurs d’alerte) naissent au sein de la NSA, malgré l’unanimité de façade pour remporter la guerre contre le terrorisme. Des fuites parviennent au New York Times. Une responsable du Congrès découvre le pot-aux-roses. La Maison Blanche riposte aussitôt, convoque et intimide les récalcitrants, ordonne au FBI de traquer les lanceurs d’alerte, convainc le Times de ne pas ébruiter l’affaire au risque d’atteindre à la sécurité nationale. Cheney ne recule devant rien pour prolonger les pouvoirs exceptionnels de la NSA. Il ira jusqu’à envoyer Alberto Gonzales, ministre de la Justice de Bush, essayer de convaincre un Procureur général sur un lit d’hôpital, entre la vie et la mort.

A l’approche de l’élection présidentielle, l’administration Bush tente de faire approuver par le Congrès une loi pour empêcher son successeur de revenir sur les pouvoirs octroyés à la NSA. En pleine campagne, Barack Obama adopte une ligne dure contre les menaces terroristes. Il vote en faveur du texte. Après son investiture, il découvre l’ampleur véritable du dispositif, bien au-delà des limites légales. Avec ses conseillers, il choisit de maintenir le dispositif et d’en préserver le secret.

Devant le Sénat, le responsable de la Sécurité nationale, James Clapper, préfère mentir sous serment qu’admettre l’existence d’un programme de collecte massive de données privées. Edward Snowden assiste à cette déposition depuis la base secrète de la NSA où il exerce comme consultant informatique. Il est scandalisé par les dénégations du plus haut responsable du renseignement. Snowden est bien au fait du sort qui a été réservé aux précédents lanceurs d’alertes au sein de l’agence. Il est déterminé à ne pas le subir.