(Arte) Architectures : La Casa Milá (2011)

Cette maison Milá qui aurait dû exalter la puissance et la gloire du couple Milá est d’emblée source de sarcasmes, rebaptisée par les barcelonais eux mêmes d’un nom péjoratif « La Pedrera » (la carrière). À peine achevée, les Milá trouvent que la maison qu’il leur a construite est tout simplement… horrible. Que s’est-il passé ? Quelle intelligence architecturale se cache derrière ce délire plastique ?

Gaudí est né en 1852 à Reus dans la province de Barcelone, dans une famille d’origine modeste, où l’on est artisan-chaudronnier depuis trois générations. Il fait ses études d'architecture à Barcelone, ville dans laquelle il s'établit et où il jouit rapidement d’une grande réputation. Entre 1906 et 1912, Gaudí construit sur une des avenues les plus prestigieuses de Barcelone un immeuble d’habitation, la casa Milá, du nom de son commanditaire Pere Milá i Camps.

Gaudí joue avec la façade, comme avec une pièce sculpturale, non porteuse, elle donne pourtant l’impression que toute la masse du bâtiment est porté par le rythme de ses ondulations. L’architecte va imaginer un immeuble axé autour de deux grands patios intérieurs, à la fois nœud de communication et puits de lumières. En créant de véritables façades intérieures, l’architecture s’impose à l’intérieur même des îlots.

Gaudí hiérarchise les espaces en faisant cohabiter dans un même édifice le singulier et le collectif. C’est à la fois un immeuble d’habitation et un hôtel particulier. L’appartement des Milá, qui occupe tout le premier niveau sur 1 200 m2, est desservi dans chaque patio par un escalier monumental où Gaudí se fait alors autant décorateur qu’architecte.
Au-dessus des étages d’habitations, les combles et la terrasse sont à la fois une chambre de protection du bâtiment et une toiture. Ce ne sont plus les piliers qui structurent cette partie de l’édifice mais 270 arcs caténaires en brique qui permettent de ne pas augmenter le poids du bâtiment avec une lourde terrasse. Ces structures témoignent du génie constructif de Gaudí, où l’utilisation idéale des matériaux produit un espace sculptural.

La terrasse est un espace instable, chaotique, peuplé d’une armée d’étranges « guerriers casqués » : badalots recouverts de fragments de pierre ou enduits de chaux et de plâtre, cheminées décorées de tessons de bouteille ou de céramique émaillée. Pourtant tout a une fonction préconçue dans cette toiture insolite ; les tours de ventilation, les cheminées posées parfois seules ou regroupées en bouquet afin d’éviter les dispersions des sorties de fumées, les réservoirs d’eau, les variations de niveau qui suivent le rythme de celui des combles…

Mais les conflits entre Gaudí et les Milá ne cessent de s’amplifier et l’architecte furieux contre ses promotteurs quitte le chantier en 1910, avant la fin des travaux pour consacrer la fin de sa vie à sa grande œuvre toujours inachevée, La Sagrada Familia.