Claude Mossé, "La Fin de la démocratie athénienne"
PUF | 1962 | ISBN: N/A | French | PDF | 496 pages | 27 MB
PUF | 1962 | ISBN: N/A | French | PDF | 496 pages | 27 MB
Dans cet ouvrage issu de sa thèse, Claude Mossé montre déjà en quoi l'étude d'une période relève la fois de l’histoire politique et de l’histoire sociale. Grâce à une lecture scrupuleuse de tous les textes qui, comme documents historiques, lui permettaient de "faire l’histoire" des conditions de la production et des échanges en Attique au IVe siècle, de l’évolution des rapports sociaux, du fonctionnement de la démocratie et de la politique extérieure d’Athènes, elle nous permet de reconstituer une époque sans jamais cesser de l'interroger dans sa réalité. En quoi la démocratie athénienne peut-elle être miroir de la nôtre ?
Présentation et enjeux : Ce livre de l'historienne C. Mossé est le texte remanié de sa thèse (1959). Influencé par Moses Finley et Vernant, il inaugure le début de ses recherches consacrées aux rapports entre économie et société, à savoir principalement « comment l'égalité politique s'articulait sur les inégalités sociales, sur le fonctionnement réel de la vie politique et sur les éléments qui contribuèrent à modifier ce fonctionnement au cours des deux siècles examinés » [1995]. Cette problématisation reste pourtant attentive aux liens entre droit et politique que n'auront de cesse d'approfondir ses derniers travaux, illustrant ainsi autant sa rigueur d'historienne que sa passion de transmettre. Dans cet ouvrage, deux chapitres importants analysent déjà la réflexion menée par les "théoriciens" grecs du IVe siècle pour remédier aux luttes entre riches et pauvres d’une part, pour définir la politeia idéale d’autre part. Ce dernier terme est souvent employé au IVe siècle avec un sens voisin de celui qu’on donne au latin civitas mais aussi de "constitution" et surtout, comme le titre grec de La République de Platon nous le rappelle, avec un sens qui embrasse l’ensemble des problèmes éthiques et philosophiques qui se posent à l’homme. La recherche de la politeia idéale ne saurait donc se limiter à une réflexion juridique et politique portant sur les institutions mais intègre toutes les données propres à permettre le "bien vivre".
Mais ce qui reste au cœur des interrogations de Claude Mossé, se rapporte non pas seulement à une époque mais bien au fonctionnement de la démocratie athénienne, institution et pratique politiques tout à la fois avec, au-delà, une réflexion sur ses structures juridiques. Même si dans cet ouvrage, C. Mossé part d’une approche marxisante pour tenter d’expliquer le déclin d’Athènes au IVe siècle, elle a ensuite participé elle-même à la remise en cause progressive, non seulement d’une forme de dogmatisme mettant en relation déclin politique et "crise" économique, mais aussi du bien-fondé d’une problématique historique ordonnée autour de l’idée même d’une "crise" du IVe siècle : « On mesure par là l’originalité de ce IVe siècle athénien qu’on a trop longtemps – moi la première – tenu pour une période de déclin, et qui se révèle au contraire, sur le plan juridique en particulier, comme un siècle d’innovations et d’affirmation d’un droit public commun à tous » [2002]. Longtemps auparavant, elle avait déjà souligné la capacité des Athéniens à faire preuve d’ « invention » lorsqu’ils mirent au point une nouvelle forme de gestion administrative des finances publiques. Émerge ainsi l’idée que la "judiciarisation" de nos sociétés contemporaines trahit une aspiration non seulement à la confrontation directe des citoyens entre eux, mais fondamentalement à une forme de justice politique et à un désir de participation à l’exercice du pouvoir.
Claude Mossé, par-delà ses synthèses, reste féconde pour une génération d'étudiants en ce que, en procédant par déplacements successifs, elle n’a jamais voulu séparer l’observation du fonctionnement de la vie politique de celle des structures sociales, et en ce qu'elle a aussi intégré la question des pratiques sociales à celle de l'explication de la notion du "politique". Elle rend ainsi honneur à sa vocation d'historienne : s’interroger sur la nature de la cité athénienne, sur la relation entre ses éléments constitutifs, peut aussi être une manière de poser la question de la relation entre présent et passé.