Jacques Henrard, "Amour, amour"
Publisher: Lansman | 2008 | ISBN: 2872826653 | French | EPUB | 58 pages | 0.07 Mb
Publisher: Lansman | 2008 | ISBN: 2872826653 | French | EPUB | 58 pages | 0.07 Mb
Tino, Hugues, Lily et Paula ont neuf ans, l'âge de l'école, des remarques cruelles des copains, de la révolte aussi.
Le papa de Tino est un fossoyeur au chômage. Tino veut buter le monde entier avec son rayon de la mort, surtout ceux qui toucheraient à sa petite soeur. Hugues est diabétique, gourmand, et doit manger du chocolat "spécial" sous peine de tomber en syncope. Lily, la fille de la coiffeuse, a un trop gros derrière, et trop de vêtements pour tenter de le cacher. Tandis que Paula, elle, rêve d'une vraie baignoire et de sentir bon…
Pour Madame, l'institutrice, la vie est la plus grande des merveilles. Elle leur parle avec une passion égale de l'amour, de la mort et de la vie qui a mis trois milliards d'années pour tout inventer. Et quand la vie rate, quand elle se trompe ? Et quand les parents ne font pas les enfants exprès ?
Tout en enseignant la philosophie et les lettres. Jacques Henrard a écrit une douzaine de romans et une vingtaine de pièces jouées à la scène, à la radio ou à la télévision. Il a reçu de nombreux prix.
Marchant de front, mais distants l'un de l'autre, Tino, Hugues, Lily, Paula, munis de cartables, sont censés se rendre à l'école. L'allure de Hugues et de Lily est sensiblement plus nonchalante que celle de Tino et Paula. Hugues, rondouillard, porte des lunettes. Lily, également bien enveloppée, est habillée avec recherche. Tino et Paula, nerveux et filiformes, sont pauvrement vêtus.
Tino brandit une mitraillette imaginaire.
Tino (soliloque) : Tac, tac, tac, tac… J'les bute, moi, avec mon rayon de la mort atomique ultramagique, j'les bute tous, sauf ma p'tite soeur. Celui qui touche à ma p'tite soeur, j'le bute. Madame, avec ses grands bras et ses grandes jambes, elle va quand même pas croire que j'vais lui faire plaisir parce qu'elle a des beaux grands yeux bleus et des beaux cheveux sur sa tête ! J'tape tout le temps sur les autres, qu'elle dit. Ils ont qu'à pas être là. Comme ça, j'taperai plus sur eux. Faut les buter, les autres. Mon ppa, i chôme. Il a plus assez de morts pour creuser leur trou au cimetière. J'vais lui en donner, des morts, plein des camions.
Hugues (soliloque) : Cette nuit, j'ai rêvé de Madame. Au lieu de l'école, c'était chez moi. Madame mettait la crème sur le gâteau de mes neuf ans. Une crème dont peuvent manger les enfants comme moi, qui ont la maladie que j'ai.
Madame étendait la crème avec ses doigts. Ses bagues étaient toutes couvertes de crème. Elle me disait : "Tu peux lécher." Je léchais les doigts de Madame. Je léchais longtemps.
Lily (soliloque) : Comme pantalon, j'ai mis mon vert, mais il me fait un gros derrière. J'aurais dû mettre mon cinq poches, ou mon pantalon cigarette. Ou bien ma robe en jeans, mais je l'ai déjà mise hier. C'est embêtant d'avoir trop d'habits. Quand on en met un, on peut pas mettre les autres, et on regrette toute la journée ceux qu'on a pas mis.
Tino brandit une mitraillette imaginaire.
Tino (soliloque) : Tac, tac, tac, tac… J'les bute, moi, avec mon rayon de la mort atomique ultramagique, j'les bute tous, sauf ma p'tite soeur. Celui qui touche à ma p'tite soeur, j'le bute. Madame, avec ses grands bras et ses grandes jambes, elle va quand même pas croire que j'vais lui faire plaisir parce qu'elle a des beaux grands yeux bleus et des beaux cheveux sur sa tête ! J'tape tout le temps sur les autres, qu'elle dit. Ils ont qu'à pas être là. Comme ça, j'taperai plus sur eux. Faut les buter, les autres. Mon ppa, i chôme. Il a plus assez de morts pour creuser leur trou au cimetière. J'vais lui en donner, des morts, plein des camions.
Hugues (soliloque) : Cette nuit, j'ai rêvé de Madame. Au lieu de l'école, c'était chez moi. Madame mettait la crème sur le gâteau de mes neuf ans. Une crème dont peuvent manger les enfants comme moi, qui ont la maladie que j'ai.
Madame étendait la crème avec ses doigts. Ses bagues étaient toutes couvertes de crème. Elle me disait : "Tu peux lécher." Je léchais les doigts de Madame. Je léchais longtemps.
Lily (soliloque) : Comme pantalon, j'ai mis mon vert, mais il me fait un gros derrière. J'aurais dû mettre mon cinq poches, ou mon pantalon cigarette. Ou bien ma robe en jeans, mais je l'ai déjà mise hier. C'est embêtant d'avoir trop d'habits. Quand on en met un, on peut pas mettre les autres, et on regrette toute la journée ceux qu'on a pas mis.