Raphaël Glucksmann, "Génération gueule de bois"
Publisher: Allary | 2015 | ISBN: 2370730404 | French | EPUB | 171 pages | 0.99 Mb
Publisher: Allary | 2015 | ISBN: 2370730404 | French | EPUB | 171 pages | 0.99 Mb
Djihad au cœur de Paris, croisade anti-européenne de Poutine, FN premier parti de France, stars négationnistes du web : des forces réactionnaires que tout semble distinguer à première vue lancent un défi commun à nos principes et nos modes de vie. Jamais depuis 70 ans notre modèle démocratique ne fut si contesté. La tentation du repli gagne les peuples européens. Le face-à-face entre les islamistes et l'extrême droite menace la France de Voltaire, Brassens et Charlie. Nous étions des démocrates paresseux, des humanistes indolents. Nous devons réapprendre à dire et à défendre la République. Descendre dans l'arène et lutter. Pour une génération élevée dans le mythe de la fin de l'Histoire, la gueule de bois est terrible. Sommes-nous prêts pour le combat qui vient ?
Nous sommes tous des flics juifs arabo-martiniquais dessinateurs libertaires de prophètes clients de supérette kasher. Clarissa, Stéphane, Ahmed, Yoav ou Franck : nos prénoms, nos origines diverses, nos fois ou nos absences de foi, nos idéaux et nos manques de repères forgent notre carte d'identité nationale.
Jusqu'au 7 janvier 2015, nous vivions nos libertés, nos mélanges, nos irrévérences comme on respire, sans conscience particulière ni attention spécifique. Nous les pensions naturels, évidents, normaux. Us ne l'étaient pas et, désormais, nous le savons. Nous sommes une construction idéologique, politique, sociale qui peut se déliter à tout instant si elle n'est pas défendue, cultivée, renforcée. Rien ne nous a préparés au combat et pourtant nous devrons lutter.
*
Venus au monde un soir de novembre 1989 où furent célébrées la mort des idéologies et la disparition des périls, nous étions la génération vernie, celle qui ne connaîtrait la guerre ni chaude ni froide, ignorerait les grandes batailles philosophiques, oublierait les clashs politico-religieux des temps passés. Le mur de Berlin tombé, un McDonald's ouvrit sur la place Rouge et un professeur américain, Francis Fukuyama, devint une star planétaire en proclamant la Fin de l'Histoire et en nous couronnant «derniers hommes».
Nos parents et nos grands-parents avaient vaincu le nazisme, le fascisme, le communisme, les religions, les idéologies, les nations aussi, et les États avec elles. Dieu enfin, et la mort avec Lui. Les communautés nationales, ethniques ou religieuses allaient se dissoudre dans une acculturation planétaire émancipatrice, les individus se débarrasseraient des contraintes et des carcans, des églises et des partis, du temps et de l'espace, pour former une société globale libre et pacifiée. Monades sans portes ni fenêtres, nous étions promis à une existence en apesanteur, sans heurts, et, dans la galerie des glaces qui nous servirait d'univers, chacun contemplerait dans l'autre sa propre perfection.
Des fées bienveillantes - Erasmus, Schengen, Maastricht, Steve Jobs, Bill Gates et tant d'autres - avaient dessiné pour nous un horizon de progrès et de jouissances, sans fil ni frontière : «Le Marché Commun, le droit d'ingérence, le Club Med, l'euro, Internet, Ryanair, l'iPhone, l'iPad, Facebook et Twitter feront de toi un être comblé, tu sauras tout, tu seras tout.» «On» nous avait sortis de la caverne et «on» avait bâti pour nous une nouvelle Thélème, avec ces mots peints de toutes les couleurs à l'entrée : «Fais ce que voudras.» Nous y avons cru.
Vingt-cinq ans plus tard, nous avons la gueule de bois. Le 7 et le 9 janvier 2015, une partie de nous-mêmes est morte dans les locaux de Charlie Hebdo puis au milieu des étals d'une supérette kasher. Le terrorisme ne fut pas «aveugle». En tirant sur Charb et ses amis, les djihadistes ont tué les plus libres d'entre nous. Et, avec eux, notre insouciance. En massacrant le jeune Yoav et ses frères de misère, ils ont visé le vivre ensemble qui caractérise nos sociétés ouvertes et dont les Juifs sont, bien malgré eux, devenus la jauge au cours des siècles. Nous avons perdu notre virginité rue Nicolas-Appert et Porte de Vincennes. Le palais post-moderne dans lequel nous avons grandi s'est effondré sur et dans nos têtes.
Jusqu'au 7 janvier 2015, nous vivions nos libertés, nos mélanges, nos irrévérences comme on respire, sans conscience particulière ni attention spécifique. Nous les pensions naturels, évidents, normaux. Us ne l'étaient pas et, désormais, nous le savons. Nous sommes une construction idéologique, politique, sociale qui peut se déliter à tout instant si elle n'est pas défendue, cultivée, renforcée. Rien ne nous a préparés au combat et pourtant nous devrons lutter.
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Venus au monde un soir de novembre 1989 où furent célébrées la mort des idéologies et la disparition des périls, nous étions la génération vernie, celle qui ne connaîtrait la guerre ni chaude ni froide, ignorerait les grandes batailles philosophiques, oublierait les clashs politico-religieux des temps passés. Le mur de Berlin tombé, un McDonald's ouvrit sur la place Rouge et un professeur américain, Francis Fukuyama, devint une star planétaire en proclamant la Fin de l'Histoire et en nous couronnant «derniers hommes».
Nos parents et nos grands-parents avaient vaincu le nazisme, le fascisme, le communisme, les religions, les idéologies, les nations aussi, et les États avec elles. Dieu enfin, et la mort avec Lui. Les communautés nationales, ethniques ou religieuses allaient se dissoudre dans une acculturation planétaire émancipatrice, les individus se débarrasseraient des contraintes et des carcans, des églises et des partis, du temps et de l'espace, pour former une société globale libre et pacifiée. Monades sans portes ni fenêtres, nous étions promis à une existence en apesanteur, sans heurts, et, dans la galerie des glaces qui nous servirait d'univers, chacun contemplerait dans l'autre sa propre perfection.
Des fées bienveillantes - Erasmus, Schengen, Maastricht, Steve Jobs, Bill Gates et tant d'autres - avaient dessiné pour nous un horizon de progrès et de jouissances, sans fil ni frontière : «Le Marché Commun, le droit d'ingérence, le Club Med, l'euro, Internet, Ryanair, l'iPhone, l'iPad, Facebook et Twitter feront de toi un être comblé, tu sauras tout, tu seras tout.» «On» nous avait sortis de la caverne et «on» avait bâti pour nous une nouvelle Thélème, avec ces mots peints de toutes les couleurs à l'entrée : «Fais ce que voudras.» Nous y avons cru.
Vingt-cinq ans plus tard, nous avons la gueule de bois. Le 7 et le 9 janvier 2015, une partie de nous-mêmes est morte dans les locaux de Charlie Hebdo puis au milieu des étals d'une supérette kasher. Le terrorisme ne fut pas «aveugle». En tirant sur Charb et ses amis, les djihadistes ont tué les plus libres d'entre nous. Et, avec eux, notre insouciance. En massacrant le jeune Yoav et ses frères de misère, ils ont visé le vivre ensemble qui caractérise nos sociétés ouvertes et dont les Juifs sont, bien malgré eux, devenus la jauge au cours des siècles. Nous avons perdu notre virginité rue Nicolas-Appert et Porte de Vincennes. Le palais post-moderne dans lequel nous avons grandi s'est effondré sur et dans nos têtes.
Mélange de pamphlet, de reportage et de mémoire politique rythmé de saillies lumineuses, l'essai de Raphaël Glucksmann se veut un bain de jouvence à l'intention de sa génération. Celle née à la fin de la guerre froide, grandie après la chute du mur de Berlin et nourrie aux grandes théories de la « fin de l'Histoire », qui n'a jamais douté vivre dans une Europe prospère et en paix…
Les attentats de janvier l'ont frappé comme un coup de semonce…
Une inquiétude le travaille : voir ces mouvements, a priori hostiles, s'allier pour gagner du terrain. Comme si chaque attentat devait jeter plus d'électeurs dans les bras du Front national, et chaque avancée du FN pousser les musulmans vers l'islam radical. En somme, frères Kouachi et lepénistes, même combat. (Alfred de Montesquiou - Paris-Match, mars 2015)
Raphaël Glucksmann dénonce la panne d'idées des Occidentaux face à Poutine, à Le Pen ou à l'islamisme. Manuel engagé. A-t-on mesuré combien 2014 fut une "annus horribilis" ? Avril : les Russes pénètrent dans l'est de l'Ukraine, un mois après avoir annexé la Crimée. Mai : en France, le Front national arrive en tête des élections européennes. Juin : Daech conquiert Mossoul, à la stupéfaction du monde. Dans son premier essai, vif et tranchant, Raphaël Glucksmann se réfère à ces événements pour constater son appartenance à cette "génération gueule de bois". (Axel Gyldén - L'Express, avril 2015)
Les attentats de janvier l'ont frappé comme un coup de semonce…
Une inquiétude le travaille : voir ces mouvements, a priori hostiles, s'allier pour gagner du terrain. Comme si chaque attentat devait jeter plus d'électeurs dans les bras du Front national, et chaque avancée du FN pousser les musulmans vers l'islam radical. En somme, frères Kouachi et lepénistes, même combat. (Alfred de Montesquiou - Paris-Match, mars 2015)
Raphaël Glucksmann dénonce la panne d'idées des Occidentaux face à Poutine, à Le Pen ou à l'islamisme. Manuel engagé. A-t-on mesuré combien 2014 fut une "annus horribilis" ? Avril : les Russes pénètrent dans l'est de l'Ukraine, un mois après avoir annexé la Crimée. Mai : en France, le Front national arrive en tête des élections européennes. Juin : Daech conquiert Mossoul, à la stupéfaction du monde. Dans son premier essai, vif et tranchant, Raphaël Glucksmann se réfère à ces événements pour constater son appartenance à cette "génération gueule de bois". (Axel Gyldén - L'Express, avril 2015)