Jean d'Ormesson, "La Conversation"
Héloïse d'Ormesson | 2011 | ISBN: 2350871746 | French | EPUB | 128 pages | 3 MB
Héloïse d'Ormesson | 2011 | ISBN: 2350871746 | French | EPUB | 128 pages | 3 MB
Quand se glisse chez Bonaparte l'idée de devenir empereur.
" Il y a des moments où l'histoire semble hésiter avant de prendre son élan : Hannibal quand il décide de passer les Alpes avec ses éléphants pour frapper Rome au cœur ; César sur les bords du Rubicon ; le général de Gaulle à l'aube du 17 juin 1940, quand il monte dans l'avion qui va l'emmener à Londres, vers une résistance qui peut paraître sans espoir.
C'est un éclair de cet ordre que j'ai tenté de saisir : l'instant où Bonaparte, adulé par les Français qu'il a tirés de l'abîme, décide de devenir empereur. "
À travers une conversation imaginaire et décisive entre Napoléon Bonaparte et Jean-Jacques Régis Cambacérès, son deuxième consul, Jean d'Ormesson explore la tension entre l'esprit révolutionnaire républicain et le désir de puissance. Il met en scène un Cambacérès ensorcelé par le charismatique Bonaparte.
Si tous les mots prêtés à Bonaparte ont bien été prononcés par lui, l'auteur forge ce dialogue fictif à la veille de l'avènement du Premier Empire, aux Tuileries, vers le début de l'hiver 1803-1804.
Enlevé et brillant, ce dialogue surprendra par son actualité.
L'histoire offre des moments où elle semble hésiter avant de prendre son élan : Alexandre le Grand à la tête de ses phalanges à l'instant d'attaquer l'Empire perse aux ressources inépuisables ; Hannibal quand il décide de passer les Alpes avec ses éléphants pour frapper Rome au coeur ; César - l'exemple le plus célèbre - sur les bords du Rubicon ; le général de Gaulle à Bordeaux, à l'aube du 17 juin 1940, quand il monte dans l'avion du général Spears qui va l'emmener vers Londres, vers la rébellion, vers une résistance qui peut paraître alors sans espoir - et vers la gloire.
C'est un éclair de cet ordre que j'ai tenté de saisir : l'instant où Bonaparte, adulé par les Français qu'il a tirés de l'abîme, décide de devenir empereur.
Il y a toute une préhistoire qu'il faut garder présente à l'esprit. En novembre 1799, Bonaparte a trente ans. Avec la complicité de Sieyès, après avoir acheté le concours de Barras et avec l'aide de son frère Lucien, il a réussi de justesse, à son retour d'Égypte, le coup d'État du 18 brumaire an VIII : il met fin à un Directoire discrédité qui a duré quatre ans. Les cinq directeurs (seuls les deux premiers comptent) - Barras, Sieyès, Gohier, Roger Ducos, Moulin -sont remplacés par une «commission consulaire» de trois membres - Sieyès, Ducos, Bonaparte -, bientôt remplacée elle-même, grâce à une nouvelle Constitution, par un autre trio : Bonaparte, premier consul ; Cambacérès, deuxième consul ; Lebrun, troisième consul. Le Premier consul a tous les pouvoirs. Le deuxième et le troisième consul n'ont qu'une voix consultative.
La situation du pays est terrifiante. Le commerce et l'industrie sont ruinés. La production industrielle est réduite de 60 % à Paris, de 85 % à Lyon. Les ports de Marseille et de Bordeaux sont pratiquement fermés. Le réseau routier est détruit. Le service des diligences n'est plus assuré. Un brigandage généralisé s'étend à l'ensemble du territoire, surtout en Provence et dans l'Ouest. Les forêts et les cultures sont dévastées. La monnaie a été dévaluée de 99 %. Les caisses de l'État sont vides. La paye des fonctionnaires et de l'armée accuse un retard de plus d'un an. Les rentes ne sont plus versées. Il n'y a plus de budget établi. Un délire de plaisirs a détruit les moeurs.
C'est un éclair de cet ordre que j'ai tenté de saisir : l'instant où Bonaparte, adulé par les Français qu'il a tirés de l'abîme, décide de devenir empereur.
Il y a toute une préhistoire qu'il faut garder présente à l'esprit. En novembre 1799, Bonaparte a trente ans. Avec la complicité de Sieyès, après avoir acheté le concours de Barras et avec l'aide de son frère Lucien, il a réussi de justesse, à son retour d'Égypte, le coup d'État du 18 brumaire an VIII : il met fin à un Directoire discrédité qui a duré quatre ans. Les cinq directeurs (seuls les deux premiers comptent) - Barras, Sieyès, Gohier, Roger Ducos, Moulin -sont remplacés par une «commission consulaire» de trois membres - Sieyès, Ducos, Bonaparte -, bientôt remplacée elle-même, grâce à une nouvelle Constitution, par un autre trio : Bonaparte, premier consul ; Cambacérès, deuxième consul ; Lebrun, troisième consul. Le Premier consul a tous les pouvoirs. Le deuxième et le troisième consul n'ont qu'une voix consultative.
La situation du pays est terrifiante. Le commerce et l'industrie sont ruinés. La production industrielle est réduite de 60 % à Paris, de 85 % à Lyon. Les ports de Marseille et de Bordeaux sont pratiquement fermés. Le réseau routier est détruit. Le service des diligences n'est plus assuré. Un brigandage généralisé s'étend à l'ensemble du territoire, surtout en Provence et dans l'Ouest. Les forêts et les cultures sont dévastées. La monnaie a été dévaluée de 99 %. Les caisses de l'État sont vides. La paye des fonctionnaires et de l'armée accuse un retard de plus d'un an. Les rentes ne sont plus versées. Il n'y a plus de budget établi. Un délire de plaisirs a détruit les moeurs.
Et si j'instaurais l'Empire ? C'est la question que pose Bonaparte à Cambacérès dans un éblouissant dialogue imaginé par Jean d'Ormesson…
Bonaparte interroge Cambacérès sur l'avenir de la France. Et c'est un régal, un dialogue pétillant d'humour et d'intelligence comme on les aime chez Jean d'Ormesson. L'historien n'a rien à corriger. Tout est juste et vrai. (Jean Tulard - Le Figaro du 22 septembre 2011)
Ce qui est épatant, dans cette Conversation, c'est que Jean d'Ormesson a eu l'esprit (dont il déborde…) de tout noter - ce qui ne surprendra guère de la part d'un écrivain qui recueille souvent les paroles de Dieu et qui a déjà enregistré les moindres variations de protons aux confins de l'univers. Pour les paroles du futur empereur, il s'est contenté de picorer ici ou là, dans les discours ou mémoires d'époque. Quant à ceux de Cambacérès, ils sont apocryphes, délicieusement d'ormessoniens (du Chateaubriand revu par Sacha Guitry) et pleins d'humour. L'ensemble, sachons-le, a la légèreté d'un Si les Tuileries m'étaient contées…, mais aussi la profondeur d'une méditation politique d'envergure. (Jean-Paul Enthoven - Le Point du 15 septembre 2011)
Jean d'Ormesson invente. En partie, du moins, car les propos qu'il prête à Bonaparte furent tous prononcés - ou écrits - par l'intéressé. La rencontre, au coeur de l'hiver 1803-1804, eut-elle lieu ? Rien ne l'atteste. On songe au Souper, de Jean-Claude Brisville, somptueux moment de littérature opposant Fouché à Talleyrand après Waterloo. Bonaparte, ici, converse avec Cambacérès. On a un peu oublié - c'est injuste - quel grand juriste fut le deuxième consul. Cambacérès, homosexuel notoire, fut celui qui facilita le passage à l'Empire. On comprend, au cours de cette conversation, de quelle façon Bonaparte parvint à légitimer son rêve en le transformant en désir collectif. Jean d'Ormesson réussit là une photographie palpitante : il capture cet instant, fragile, où l'ambition d'un homme bouleverse le cours du monde. (François Busnel - L'Express, octobre 2011)
Peut-être inspiré par l'affaire Bettencourt, Jean d'Ormesson a placé lui aussi un magnétophone sous un bureau. Mais c'est celui de Bonaparte, Premier consul. Nous sommes en 1803 aux Tuileries : ce siècle avait trois ans et, de plus en plus, Napoléon perçait sous Bonaparte…
Le César de la Révolution est devant son Rubicon. Va-t-il s'élancer vers le sommet ? Il argumente, plaide, communique sa volonté à son subtil séide. L'autre résiste, puis cède au vertige. Ce moment d'Histoire imaginée est plus vrai que beaucoup de récits scrupuleux…
Ainsi, le texte de Jean d'Ormesson est plus qu'une brillante pochade. Il capture, par le style et l'érudition, l'un des tournants de l'histoire française. (Laurent Joffrin - Le Nouvel Observateur du 13 octobre 2011)
Bonaparte interroge Cambacérès sur l'avenir de la France. Et c'est un régal, un dialogue pétillant d'humour et d'intelligence comme on les aime chez Jean d'Ormesson. L'historien n'a rien à corriger. Tout est juste et vrai. (Jean Tulard - Le Figaro du 22 septembre 2011)
Ce qui est épatant, dans cette Conversation, c'est que Jean d'Ormesson a eu l'esprit (dont il déborde…) de tout noter - ce qui ne surprendra guère de la part d'un écrivain qui recueille souvent les paroles de Dieu et qui a déjà enregistré les moindres variations de protons aux confins de l'univers. Pour les paroles du futur empereur, il s'est contenté de picorer ici ou là, dans les discours ou mémoires d'époque. Quant à ceux de Cambacérès, ils sont apocryphes, délicieusement d'ormessoniens (du Chateaubriand revu par Sacha Guitry) et pleins d'humour. L'ensemble, sachons-le, a la légèreté d'un Si les Tuileries m'étaient contées…, mais aussi la profondeur d'une méditation politique d'envergure. (Jean-Paul Enthoven - Le Point du 15 septembre 2011)
Jean d'Ormesson invente. En partie, du moins, car les propos qu'il prête à Bonaparte furent tous prononcés - ou écrits - par l'intéressé. La rencontre, au coeur de l'hiver 1803-1804, eut-elle lieu ? Rien ne l'atteste. On songe au Souper, de Jean-Claude Brisville, somptueux moment de littérature opposant Fouché à Talleyrand après Waterloo. Bonaparte, ici, converse avec Cambacérès. On a un peu oublié - c'est injuste - quel grand juriste fut le deuxième consul. Cambacérès, homosexuel notoire, fut celui qui facilita le passage à l'Empire. On comprend, au cours de cette conversation, de quelle façon Bonaparte parvint à légitimer son rêve en le transformant en désir collectif. Jean d'Ormesson réussit là une photographie palpitante : il capture cet instant, fragile, où l'ambition d'un homme bouleverse le cours du monde. (François Busnel - L'Express, octobre 2011)
Peut-être inspiré par l'affaire Bettencourt, Jean d'Ormesson a placé lui aussi un magnétophone sous un bureau. Mais c'est celui de Bonaparte, Premier consul. Nous sommes en 1803 aux Tuileries : ce siècle avait trois ans et, de plus en plus, Napoléon perçait sous Bonaparte…
Le César de la Révolution est devant son Rubicon. Va-t-il s'élancer vers le sommet ? Il argumente, plaide, communique sa volonté à son subtil séide. L'autre résiste, puis cède au vertige. Ce moment d'Histoire imaginée est plus vrai que beaucoup de récits scrupuleux…
Ainsi, le texte de Jean d'Ormesson est plus qu'une brillante pochade. Il capture, par le style et l'érudition, l'un des tournants de l'histoire française. (Laurent Joffrin - Le Nouvel Observateur du 13 octobre 2011)